Paris-Bombay,
un bus relaie la voix des jeunes

Nos partenaires
Notre livre d'or
FORUM

 
 

Les jeunes  
  
 
 
 
       
 
   
 
Une brindille en acier (pakistan)
Refet et le voyage (turquie)
Bilko, l'oiseau rare (europe)
Le vieil homme et la mer (pakistan)
Confessions d'un jeune sur l'Iran (iran)

.../...
 
     

   
 
Vidéo : la rareté et la politique en Inde (inde)
Vidéo d'un camp de réfugiés Afghans (pakistan)
there is no school, there is no education... What should I do? (pakistan)
Quand l'école n'a pas de prix (pakistan)
Debout dans la tempête: femmes afghanes contre le fondamentalisme (pakistan)

.../...
 
     

   
 
A Bucarest, un bar dédié à la culture Rom (europe)
Les sons d'Istanbul (turquie)
Rencontres à Téhéran (iran)

.../...
 
     

   
 
Turquie du sud-est: que fait le gouvernement? (turquie)
STOP, contre le traffic et la prostitution des enfants (inde)
Qui sème l'austérité et le ressentiment.... (iran)
Capitale, jeunesse sous le voile (iran)
La Roumanie, une vision européenne (europe)

.../...
 
     

Untitled Document

Debout dans la tempête:
des femmes afghanes luttent contre le fondamentalisme.

 

L'Afghanistan, un pays dans l'impasse? Une association de femmes afghanes travaille avec une détermination sans faille pour libérer leur pays du joug fondamentaliste : RAWA, la Revolutionary Association of the Women of Afghanistan. Mareena, 21 ans, en fait partie et lui consacre toute son énergie: pendant deux jours, elle nous a accompagnés, nous a présenté les activités de l'association et nous en a patiemment expliqué les enjeux. De très nombreuses jeunes femmes ont, comme elles, décidé de se battre contre cette guerre, contre tous les acteurs de cette guerre qui mine leur pays depuis 25 ans.

Un grand bond en arrière

Avant l'invasion des Russes, la société afghane permettait aux femmes de porter des jeans, de ne pas mettre le voile, de faire du vélo - ce qui n'est même pas possible aujourd'hui au Pakistan. RAWA, née en 1977, avait pour vocation de donner la parole aux femmes afghanes défavorisées. Un mouvement de gauche parmi beaucoup d'autres à l'époque. Mais la guerre, les guerres qui ont ravagé le pays depuis lors l'ont fait régressser d'un siècle en arrière: misère économique, fermeture des frontières, déchaînement de l'intégrisme, du fondamentalisme, dépérissement du système éducatif, accumulation de crimes envers les civils...

Lorsque, en 1979, les Soviétiques ont envahi l'Afghanistan pour faire entrer ce pays stratégique dans leur zone d'influence, la population s'est mobilisée pour résister. Les membres de RAWA ont participé à cet effort en vendant des magazines anti-soviétiques, en ouvrant des écoles et des hôpitaux pour les réfugiés afghans au Pakistan, voire en allant au front. Le départ des Russes a laissé la place à la guerre civile, entre le gouvernement de Massoud et les groupes fondamentalistes. Plusieurs pays sont soupçonnés d'avoir financé et armé ces groupes jihadis: le Pakistan et l'Arabie saoudite d'une part, les Etats-Unis d'autre part. Les Talibans, qui contrôlent aujourd'hui les 3/4 du pays, sont à l'origine des étudiants des madresseh pakistanaises, les écoles coraniques. Sous prétexte de rétablir la sécurité, ils ont établi un régime qui relève de la terreur.

"La kalash dans une main, le Coran dans l'autre"

La liste d'exactions attribuées aux Talibans est longue. Comme vous pouvez le lire dans l'article "Pendant ce temps-là en Afghanistan...", les femmes sont privés de leurs droits les plus fondamentaux. Sans dignité, cachées sous leur burqa, elles sont réduites à des conditions de vie misérables. Il faut y ajouter les exécutions arbitraires, les massacres et autres tortures, ainsi que l'obscurantisme dans lequel les Talibans sont en train de plonger l'Afghanistan. Non seulement ils interdisent toute forme d'expression culturelle, considérée comme satanique (télévision, cinéma, photo, musique, danse...), mais ils détruisent un patrimoine millénaire (les buddhas géants, le pillage des musées).

En plus de Massoud, plusieurs groupes ethniques, notamment au nord du pays, résistent encore à l'avancée des Talibans. RAWA ne soutient pas plus ces groupes, qui vraisemblablement commettent tout autant d'atrocités envers les civils. Elle ne fait pas non plus de différence de fond entre les Talibans et les groupes fondamentalistes jihadis, conduits par Rabbani, Sayyaf, Massoud ou Hekmatyar, qui se prétendent plus civilisés. Le souvenir de leur comportement lorsqu'ils étaient au pouvoir laisse en effet penser le contraire. Car les Talibans, en définitive, ont simplement poussé à leur paroxysme les initiatives de ces mouvements, telles que le port de la burqa. RAWA explique dans ses brochures: "Ce sont des frères d'armes. Tous, ils ont la kalashnikov dans une main, le Coran dans l'autre". "Ils utilisent de manière erronée l'islam pour justifier leurs crimes", ajoute Mareena (notre interlocutrice membre de RAWA).

En croisade contre le fondamentalisme

Par opposition à ces mouvements criminels, RAWA est une organisation politique pacifiste, qui compte aujourd'hui plus de 2000 membres, en Afghanistan et au Pakistan, où se situe le siège de l'association. Elle est financée essentiellement par des dons individuels, des ventes d'objets artisanaux et de publications sur l'association. Outre la publication d'un journal, Payam-e-Zan, en Dari (persan) et en Pashtu, parlés en Afghanistan, et en Urdu (langue officielle du Pakistan), RAWA organise régulièrement des manifestations au Pakistan. A cette occasion, elle aide ses membres à venir d'Afghanistan.

La dernière manifestation, datant du 10 décembre 2000, est cependant un mauvais souvenir. Suite à une attaque des Talibans, des membres et sympathisants de RAWA ont été blessés, d'autres arrêtés par la police pakistanaise. Meena, la fondatrice de l'association, a quant à elle été assassinée en 1987, ce qui l'a transformée en martyr. Cette violence à laquelle se heurte l'association engendre des effets pervers. La minorité afghane au Pakistan est lasse des traitements inégaux qu'elle subit de la part de la police pakistanaise et redoute les expéditions punitives qui surviennent à la suite des manifestations de RAWA. Celle-ci ne se fait donc pas toujours des amis parmi les réfugiés afghans, qui reprochent à RAWA le fait qu'"on ne les laisse pas tranquilles".

Le Pakistan accueille de très nombreux réfugiés afghans, qu'ils aient fui les Russes, la guerre civile ou les Talibans. Ce sont plutôt des "déplacés", car ils n'ont pas le statut de réfugiés. Leurs conditions de vie sont souvent très précaires; ils ne sont même pas admis dans les écoles publiques. RAWA a mis à leur disposition un hôpital à Quetta. Cependant, une des priorités de RAWA reste l'éducation. Les familles peuvent envoyer gratuitement leurs enfants étudier deux heures par jour. Pour convaincre les familles, RAWA les aide parfois financièrement en rachetant leurs produits artisanaux. Généralement, un seul enfant peut en bénéficier, avant de rejoindre pour le reste de la journée ses frères et soeurs qui travaillent. Au programme: les maths et pas moins de 3 langues, le Persan, le Pashtu et l'Anglais. Les filles les plus intelligentes auront peut-être la chance de voir leurs études payées par RAWA.

L'association propose également des cours d'alphabétisation aux femmes afghanes. La plupart des femmes qui assistent aux cours à Peshawar ont fui le régime des Talibans. Les traits marqués, elles ont souvent l'air bien plus âgées qu'elles ne sont. Lorsqu'elles sont mariées, elles viennent accompagnées d'un de leurs enfants, afin de garantir qu'elles n'iront pas ailleurs... Dans un deuxième temps, les membres de l'association pourront commencer à les sensibiliser, à leur faire prendre conscience de leurs droits et des moyens de lutter pour changer les mentalités. Il faut savoir que les femmes afghanes, même au Pakistan, sont souvent bien plus mal traitées que les Pakistanaises.

Risques et sacrifices de tous les instants

Aux femmes les plus déterminées, RAWA propose des formations politiques. Mareena et toutes nos interlocutrices, y compris des jeunes filles de 15 ans, pensionnaires d'un orphelinat tenus par RAWA, ont appris à parler et à convaincre. Bourrage de crâne et leçons apprises par coeur? Apparemment pas, ou pas seulement, puisque les filles de l'orphelinat, par exemple, écoutent la BBC une heure par jour, avant de débattre entre elles des évènements. Une incitation à la réflexion et au sens critique. Celles qui deviennent membres au bout du compte sont en général celles qui ont le plus souffert, mais aussi celles qui ont le plus de courage. Beaucoup abdiquent: "Je suis heureuse que vous fassiez ça, mais je n'en suis pas capable."

Car l'engagement chez RAWA n'est pas une mince affaire. Il faut d'abord convaincre les parents, frère ou mari. Une jeune fille a mis 6 ans à convaincre ses parents de la laisser épouser l'homme qu'elle souhaitait, car il acceptait qu'elle participe à RAWA. D'autre part, elles se doivent de lui sacrifier 5% de leur revenu mensuel - du revenu de leur mari si elles ne travaillent pas. C'est pourquoi RAWA met parfois plusieurs années avant d'accepter une membre officiellement. Il faut savoir que ces femmes courent de nombreux risques, en particulier en Afghanistan, que ce soit en distribuant des journaux ou en éduquant les femmes. Toutes ces activités y sont menées en toute illégalité ("underground"). Les hommes hostiles, au mieux éloigneront leurs propres femmes, au pire dénonceront les militantes aux Talibans.

Pour être discrète et efficace, et surtout pour se protéger, RAWA s'est organisée en véritable mouvement de "Résistance". Ses membres utilisent de faux noms, évitent de donner leurs coordonnées et se protégent par tous les moyens (changement de résidence, d'apparence...). Mareena ne peut contacter les autres membres de RAWA à Peshawar qu'en passant par l'intermédiaire du bureau central à Quetta. Les notions de sacrifice individuel et d'action collective sont fortement ancrées dans "la mentalité RAWA". Jamais un membre ne revendiquera son mérite personnel et toutes les précautions sont prises pour protéger les leaders, dont la perte serait plus dommageable que celle d'un membre de base, comme nous l'explique tout naturellement Mareena. Ces méthodes peuvent paraître excessives, mais elles semblent malheureusement proportionnées aux risques encourus.

Dans l'espoir d'être enfin écoutées

Quoi qu'il en soit, toutes ces actions servent une vaste cause. A long terme, elles visent à transformer les mentalités en profondeur et de rendre à la femme sa dignité et des droits égaux à ceux des hommes. Le terme "revolutionary" dans le nom de l'association, qui effraie souvent à cause de sa conotation politique d'extrême-gauche, fait avant tout référence à cette "révolution" des mentalités. Cependant, RAWA est consciente que ce ne sont que de minuscules gouttes d'eau dans la mer et qu'il en faudrait bien plus pour changer la situation actuelle. Elle remue donc ciel et terre pour réveiller la communauté internationale, qu'elle se désespère de voir un jour s'intéresser à la tragédie afghane. D'où les efforts pour traduire leur site (www.rawa.org) et leurs publications en plusieurs langues. Ainsi que les accueils d'étrangers et en particulier de journalistes, dont les contributions sont autant de nouveaux espoirs. L'objectif : rallier toujours plus d'individus à la cause de RAWA, en espérant qu'ils fassent de même dans leurs pays.

Car rien ne changera tant que la communauté internationale ne se mobilisera pas. Il y a peu de chances qu'une population exténuée par 25 ans de guerre se mobilise en force contre les Talibans. La solution la moins pire envisagée par RAWA serait une opération de maintien de la paix des Nations-Unies, afin de désarmer intégralement tous les groupes armés et de rétablir des élections démocratiques. Mais surtout, rien ne changera tant que ces mêmes groupes armés recevront un soutien extérieur. Les principaux pays suspectés de financer les Talibans sont le Pakistan et l'Arabie saoudite. Nous ne sommes pas assez renseignés pour expliquer les méandres de ces alliances et trafics, ni pour nous prononcer sur les hypothèses de terrorisme à l'échelle internationale. Il reste que RAWA est convaincue que les Talibans sont loin d'être indépendants et qu'ils sacrifient leur propre population au service d'intérêts extérieurs, dans l'objectif de conserver un pouvoir acquis par la force et mal vécu par les Afghans.

Cet article vise à vous expliquer la situation en Afghanistan, mais c'est également un plaidoyer en faveur de RAWA. Nous le revendiquons, bien que certains aspects du militantisme de RAWA nous aient parfois parus un peu radicaux. Les femmes que nous avons rencontrées, par leur force et leur détermination, nous ont donné de l'espoir et nous ont surtout donné envie d'agir. Si vous souhaitez plus d'informations, allez consulter leur site très complet www.rawa.org (e-mail: rawa@rawa.org). Il y a de très nombreuses manières de les aider, n'hésitez pas. Vous pouvez également contacter "Women on the road for Afghanistan", à Paris. ( www.worfa.org )

Auteur : Chacha

Sources: discussions avec Mareena, quelques autres membres ou sympathisants de RAWA et leurs publications en anglais.
Photos, dans l'ordre: Les deux premières sont issues d'une brochure de RAWA: 1) Des ruines à Kaboul - 2) Des femmes en burqa, prisonnières - Les photos suivantes sont les nôtres: 3) Quelques publications de RAWA - 4) Un cours d'alphabétisation à Peshawar - 5) Des filles d'un orphelinat, à Peshawar, chantant une chanson patriotique.



-





 
       

| page d'accueil
Les jeunes | Le voyage | Des photos | Notre aventure
FORUM | Nous | SHELL