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Du village à la capitale,
quelques paroles de jeunes dépaysés


2 étudiants, Ali et Emrah, nous ont aidé à interviewer quelques habitants d'Ankara au sujet des jeunes turcs qui quittent leur village pour venir s'installer à la capitale :
- Gamal Gunesh a quitté son village de Kars depuis 31 ans. C'est un homme réputé pour sa foi.
- Erdal Binger, 18 ans, vit à Ankara depuis 12 ans et retourne de temps en temps dans son village.
- Leyis Koc, son patron, a toujours habité Ankara, et connaît beaucoup de ces jeunes déracinés.
- Seyma Birbilir tient une boutique. Elle insiste sur les difficultés que rencontrent les jeunes filles qui migrent à Ankara. Elle emploie l'une d'elle, Maryam.


Ankara est une capitale née de la volonté politique de Mustafa Kemal, qui souhaitait que la capitale de la Turquie se situe en son centre, plus loin de l'influence occidentale que ne l'était Istambul.
C'est pourtant une ville très vivante, qui attire des jeunes de différentes régions du pays. Les raisons sont simples : il y a beaucoup plus de possibilités qu'ailleurs pour travailler et étudier.

Pour les jeunes qui débarquent à la capitale, l'adaptation est douloureuse. Les zones rurales en Turquie sont plus conservatrices et traditionnelles. Du style vestimentaire aux pratiques sociales et culturelles, les habitudes sont bouleversées.
Seyma souligne la difficulté de l'épreuve pour les jeunes filles. Elles passent la plupart de leur temps protégées de la sphère publique, au sein d'un quartier ou d'un cercle familial restreint. Leur mode de vie est généré à l'intérieur de ce groupe presque coupé de l'extérieur. Il finit donc par y avoir un décalage énorme entre ce qu'elles vivent quotidiennement, et le style de vie des habitants d'une ville aussi cosmopolite et moderne qu'Ankara. A Istanbul, la municipalité a même affrété 50 cars pour ramener chez elles ces femmes qui n'arrivaient pas à s'adapter à leur nouveau cadre de vie.
Pour celles qui sont venues sans leur famille, l'adaptation est encore plus rude. N'ayant pour tout contact avec le monde extérieur que leur travail, elles vivent souvent recluses. La solitude devient alors pesante.

Tous, filles comme garçons, doivent faire face à des conflits culturels.
Les coutumes particulières de certaines régions sont ainsi sources de décalages. Par exemple, il est convenu dans certaines régions que le père d'une jeune mariée reçoive de l'argent de la famille de l'époux en contrepartie de sa fille. C'est une attente qui ne peut pas être légitime à Ankara, où cette pratique est perçue comme une relique d'un autre temps.
De même, les styles vestimentaires des filles comme des garçons ne sont pas les mêmes. A Ankara, la fascination pour les Etats Unis est plus tangible, comme la volonté d'afficher une certaine modernité. On s'habille plus librement, on se permet d'afficher son individualité et pas seulement de respecter les codes traditionnels.
Selon Leyis, les jeunes qui parviennent à s'adapter à ces pratiques différentes ne le font que de manière superficielle. C'est comme un masque qu'ils portent en ville et qu'ils enlèvent de retour dans leurs villages. L'adaptation n'est donc jamais complète.

Tout dépend en fait de l'âge auquel ces jeunes migrent à Ankara. Erdal est arrivé à 6 ans, et il se sent complétement intégré et au diapason de la capitale. Bien sûr il a gardé des contacts dans son village natal, il y retourne de temps en temps avec plaisir. Mais c'est justement quand il retourne là-bas qu'il sent un décalage avec les jeunes de son âge restés au village :

"Mes amis de là-bas ont l'impression que je suis au-dessus d'eux. Et moi, je trouve aussi que je suis plus ouvert d'esprit qu'eux. Nos idéaux, nos manières de penser sont complètement différents. C'est pour ça que je suis content que mes parents soient venus habiter ici. Même si au départ ils sont venus pour trouver du travail et pour que je puisse plus tard faire des études, et que je n'ai jamais pu aller à l'université."

Par contre, Erdal a connu à Ankara un jeune "provincial", débarqué à 16 ans, qui n'a jamais supporté l'écart culturel et de mentalités. Il est reparti au bout d'un an, pour se réfugier dans l'univers qui lui était familier. C'est un renoncement qui est assez courant.

Etant donné l'afflux régulier de candidats, s'installer à la capitale et trouver ce qu'on est venu chercher prend souvent la forme d'une compétition. C'est un mot qui est revenu plusieurs fois pendant nos discussions.


Il y a d'abord le problème du chômage, aggravé en ce moment par la crise, qui ne permet pas à tous les migrants de trouver du travail. Il y a aussi celui de l'inscription aux universités, forcément limitées.
En combinant ces barrières objectives, les conflits culturels et les phénomènes de rejet, l'intégration à Ankara ressemble à un parcours du combattant. Cette "compétition pour l'adaptation" dure en général deux ou trois ans, selon Seyma. Une fois passé ce cap, si les jeunes ont choisi de rester, c'est qu'ils ont réussi à résoudre les conflits culturels. Accepter de faire des concessions est nécessaire pour se faire accepter et ainsi trouver du travail, un logement, des amis, etc.
Et même si l'opinion affichée par tous est que ces jeunes migrants ne dérangent pas, parfois des phénomènes de rejet rendent plus difficile l'installation des nouveaux arrivants. Par exemple, Maryam est venue seule à Ankara pour y faire ses études. Elle fabriquait clandestinement des bouquets de fleurs en tissu qu'elle vendait pour financer ses études jusqu'à ce qu'elle soit dénoncée par les autres commerçants du quartier, alors qu'elle ne leur faisait aucune concurrence."Si j'étais dans mon village, tout le monde essaierait de m'aider. A Ankara, tout le monde essaye de me mettre des bâtons dans les roues." Ceci dit, Seyma lui a ensuite proposé du travail dans sa boutique, ce qui permet aujourd'hui à Maryam de payer ses études.

Gamal nous a donné une version complètement différente. Selon lui, de toute façon en Turquie, tout le monde est frère et soeur grâce à l'Islam, donc il ne peut y avoir ni phénomène de rejet, ni difficultés d'adaptation.
S'installer à Ankara lui a permis de mieux gagner sa vie, sans contrepartie négative. Il s'est ainsi senti accepté par les habitants de la capitale, grâce à l'Islam. Les changements qu'il constate dans son village d'origine ne le dérangent pas, aussi longtemps que les habitants vivent dans la paix et l'amour de l'Islam.
Evidemment tout le monde ne porte pas sur la situation un regard empreint d'autant de tolérance. Mais en dépit des problèmes évoqués les migrants finissent en général par s'intégrer à Ankara. L'adaptation, même si elle est douloureuse, se fait donc de toute façon. La croissance de l'agglomération en témoigne.

Enfin il ne faut pas oublier que l'ensemble de la Turquie est un joyeux mélange de nombreuses cultures différentes, où l'Islam est la religion de 99% de la population.
L'expression de "bazaar culturel" dont s'est servi Leyis pour désigner Ankara est pertinente pour l'ensemble du pays.
Le brassage et la multiplicité culturelle, avec l'Islam comme dénominateur commun, semblent être des caractéristiques importantes du pays, ce qui facilite la "digestion" par Ankara de tous ces nouveaux venus.

Chach et Michaël



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