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Untitled Document " Dépêchez-vous, la Mosquée Bleue vous attend, elle est juste derrière vous ! ". Grand sourire aux lèvres, aisance dans les gestes, anglais parfait, affabilité un peu convenue, Haci nous interpelle comme il laurait probablement fait avec nimporte quel touriste, dans lespoir secret de nous emmener visiter sa boutique de tapis située dans lArasta Bazaar dIstanbul. Très vite, nous dissipons le malentendu. Non, nous ne sommes pas de simples touristes et nous navons pas assez de place dans notre bus pour poser des tapis... Nous expliquons à Haci les buts de notre projet et en profitons pour lui demander une interview. " Pas de problème, faites un tour dans la mosquée, ça en vaut la peine et retrouvez-moi après dans le bazar. Ce nest pas difficile de me trouver, tout le monde me connaît. Je vous laisse ma carte ". | | Comme prévu, nous gagnons la Galeri 97 où Haci travaille tous les jours, de 9h00 à 21h00. Le bazar nest pas très étendu, une centaine de boutiques alignées sur quelques rues pavées. Peu de touristes sy promènent mais chaque marchand reste devant sa porte, prêt à vous offrir promptement un thé dans sa boutique. La concurrence doit être rude, les mêmes articles se disputent les devantures des boutiques : narguilés, bijoux divers, tapis, sacs, T-shirts... Les marchands -très majoritairement des hommes- tuent le temps en jouant au backgammon ou en dispersant de leau sur le sol pour éviter que la poussière ne senvole. Haci nest pas encore là. En attendant, deux jeunes marchands nous invitent à partager leur dîner. Nous goûtons ainsi le menemen, un plat traditionnel turc à base de tomates et dufs. Haci arrive enfin. Grand et plutôt large dépaule, sa silhouette élégante ne passe pas inaperçue. Il salue ses collègues en sapprochant. Nous lui proposons de manger le fameux menemen dans un café du bazar. Il se prête volontiers au jeu de linterview. | "Vous savez, la vie nest pas facile, vous devez prendre votre chance". La détermination de Haci est impressionnante. Pourtant, ce garçon de 21 ans na pas toujours eu la chance de réaliser ses objectifs. Il aurait voulu aller à luniversité pour étudier léconomie, la comptabilité afin de devenir un véritable homme daffaires. Selon les dires de Haci, les examens de sélection à lentrée des universités sont trop difficiles. Désormais, il aimerait être guide officiel en espagnol - il a récemment pris des cours en conséquence. " Là encore, je devrais passer 5 examens..." Haci rêve aussi de parcourir le monde, de voyager en Afrique du Sud, au Japon, en Espagne... | | Mais pour le moment, Haci sacquitte de son travail de vendeur de tapis dans la boutique de son oncle, où pour chaque tapis vendu, il reçoit une commission. Le fait de travailler « en famille » s'avère être une pression supplémentaire. " Cest chez moi ici, je ne peux pas ne pas bien travailler. Je ne peux pas aller travailler chez les autres marchands qui me le demandent, même sils me proposent plus dargent, ce « transfert » nest pas imaginable ". Haci nous éclaire sur la difficulté de vendre un tapis. "Tout le monde en vend maintenant. Nous avons donc dû diversifier notre choix darticles. On vend des tableaux, des bijoux... En plus, ce bazar est beaucoup moins fréquenté que le Grand Bazaar où certaines boutiques passent des contrats avec des agences de voyage qui leur envoient leurs clients. Cest donc le dimanche, quand le Grand Bazaar est fermé, quil y a le plus de monde ici " | | Haci a commencé à travailler au bazar à lâge de 13 ans. Alors quil avait 8 ans, sa famille dorigine kurde a quitté leur village à lest de la Turquie pour venir sinstaller à Istanbul car le travail manquait cruellement -à Malatya, la principale activité est la culture des abricotiers. Haci est parfois pris de nostalgie. " Mon village me manque. Vivre à la ferme, cest plus sain que de vivre à Istanbul. Lair est frais, on profite des montagnes ! " ."Les mentalités sont aussi très différentes ", ajoute t-il. " Si je voulais me marier avec une fille du village, on réunirait les deux familles et elles arrangeraient le mariage, la fille naurait pas le choix. Cest ainsi que mes parents se sont mariés. Mon père avait 17 ans, ma mère 14 ". | Haci évoque ensuite les activités qui enrichissent son quotidien. Passionné de football, il joue chaque semaine en amateur et ne rate pas une occasion de soutenir léquipe de Malatya qui est passé en Superleague au détriment du Galatasaray quil soutenait auparavant. Haci est aussi un musicien averti. Il a appris en autodidacte à jouer du saz, un instrument traditionnel turque. "Quand je joue, je vole, je me sens bien ". La religion est aussi un élément important dans sa vie. " Je ne vais pas très souvent à la mosquée, ce nest pas très bien mais je me débrouille toujours pour aller à la deuxième prière le vendredi, le jour le plus important pour les musulmans ". Tel un vrai pédagogue, Haci nous explique les rites fondamentaux des musulmans : les horaires des cinq prières quotidiennes qui changent selon le soleil , les deux types dablutions -avant la prière et après lamour. " Dans ce cas, chaque morceau de peau doit être touché par leau, sinon cest direct en enfer ! " | | Finalement, Haci a quand même réussi à nous montrer lintérieur de sa boutique, comme il laurait fait avec nimporte quel touriste. Cette fois, pas de marchandage, pas de grand déballage. Grand sourire aux lèvres, aisance dans les gestes, anglais parfait. " Tenez, voilà un gros il bleu pour protéger votre bus du mauvais oeil. Bonne route. Güle Güle". |
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