A Bucarest, un bar dédié à la culture Rom Un tout nouveau bar vient de naître à Bucarest, la capitale de la Roumanie. Il a pour vocation de faire connaître la culture Rom et lutter contre le racisme anti-gitan. Imaginez un grand bâtiment gris, carré, monotone, triste en somme. Vous parcourez de longs couloirs vides, apparemment désaffectés, tout aussi gris et tristes. Ces locaux sans fantaisie ont hébergé le Ministère de la Guerre, puis celui de la Production automobile pendant le régime communiste. Dans un recoin de ce dédale se cache pourtant un espace chaleureux et acueillant, où décor boisé et costumes colorés contrastent tout à coup avec la froideur du béton armé. Vous vous trouvez dans un antre de la culture gitane, un bar créé par et pour les gitans, un des premiers lieux de ce genre à Bucarest. Un bar pour combattre l'exclusion Les gitans, ou "Roms", terme plus politiquement correct en Roumanie, font partie de la population la plus défavorisée dans ce pays: faible taux d'études, chômage important, pauvreté, exclusion sociale, racisme... D'après les dires de certains Roumains non Roms, une fraction de cette minorité serait bien plus riche que la moyenne. Une sorte de mafia gitane qui aiguiseraient les jalousies en s'offrant de véritables palaces. La majorité vit pourtant en-dessous du seuil de pauvreté et en marge de la société. Le gouvernement semble faire preuve de bonne volonté pour favoriser leur intégration, mais les Roms que nous avons rencontré sont assez critiques vis-à-vis de son efficacité. Des étudiants Roms tentent de se réunir en associations pour agir contre cette exclusion. Avena Menza en est une: elle se bat pour la défense de la culture et de la langue gitane. L'Association des jeunes Roumains contre le racisme et l'exclusion des minorités gitanes, quant à elle, est plus axée sur l'action politique et sociale. Avec l'aide de Vassili Ionescu, représentant des Roms au Ministère des Affaires culturelles, ces associations ont voulu créer un lieu où les gitans pourraient se réunir et se sentir bien. Un lieu où ils puissent s'exprimer et se sentir fiers de leur culture. La nation Rom, une identité culturelle Nous y sommes accueillis à bras ouverts et en avant-première, puisque le bar n'ouvrira officiellement qu'une semaine plus tard. Comptoir et tables en bois, affiches et dessins, costumes traditionnels et musique gitane plantent le décor du lieu. Une expo photos en noir et blanc occupe le mur au fond de la pièce. Régulièrement, le bar accueillera des expositions de ce genre pour permettre à la minorité Rom de faire vivre leur culture. D'après Vassili Ionescu, la première étape pour sortir les gitans de leur cercle d'exclusion est de construire une élite Rom, une élite universitaire qui pourrait tirer le reste de la communauté par le haut. D'où la nécessité de promouvoir l'identité culturelle gitane, une identité commune à tous les Roms de Roumanie, voire à toute la nation Rom, dont nous parle Delia avec conviction: une nation sans Etat et sans territoire, mais une nation culturelle. Delia travaille dans l'Association contre l'exclusion des minorités gitanes, qui a investi une partie des locaux de l'ancien ministère. Dans l'idéal, elle aimerait que l'ensemble du bâtiment soit reconverti pour devenir un centre culturel Rom. Les Roumains veulent-ils connaître les gitans? Une Roumaine, d'origine non gitane, mais également active dans l'association, souhaite que ce bar devienne aussi un lieu de rencontres et d'échanges entre les gitans et les autres étudiants roumains. Attirés par la curiosité, ils pourront découvrir une culture qu'ils côtoient quotidiennement mais qu'ils connaissent finalement peu. La société roumaine entretient de nombreux préjugés péjoratifs, voire racistes envers les gitans, ce qui reste sans doute le premier obstacle à leur intégration. Vassili et Delia mise sur le pouvoir médiatique de l'opération: les médias prennent rarement le parti des gitans, mais aiment ce genre d'initiatives. Reste à savoir si celle-ci saura toucher la population roumaine au-delà d'une élite étudiante favorisée, gitane ou non. Une élite déjà sensiblisée à la question et déjà conquise à la cause gitane, en somme, la plus susceptible de fréquenter l'endroit. La majorité des Roumains gitans, pour qui la survie est un défi quotidien, et la majorité des Roumains non gitans, qui passent leur temps à traiter les premiers de voleurs, menteurs et mendiants, ont peu de chances de devenir un jour des clients de ce bar. Auteur: Chacha |