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Mareena, une brindille en acier

Pour les étrangers, elle s'appelle Mareena. Elle a 21 ans, elle est Afghane, émigrée au Pakistan. Sa fonction: responsable des relations entre la RAWA -la Revolutionary Association of the Women of Afghanistan, et les médias pakistanais et internationaux. Nous l'avons rencontrée à Peshawar, après un contact préalable via Internet. A peine le temps de découvrir une silhouette fluette, terminée par un visage doux et fin, que Mareena s'est déjà lancée dans un flot de paroles.

Sa mère a été l'une des fondatrices de RAWA, créée en 1977 afin de lutter pour l'émancipation des femmes en Afghanistan. Après l'arrivée des Russes en 1979, ses membres se sont mobilisées pour lutter contre l'envahisseur. Puis, depuis la prise du pouvoir par les Talibans, RAWA combat avec acharnement, mais pacifiquement, tous les groupes fondamentalistes qui s'affrontent dans le pays, dans l'espoir un jour de mettre fin au système patriarcal qui étouffe l'Afghanistan. Ces femmes, engagées corps et âmes dans leur combat, risquent jusqu'à leurs vies et celles de leurs familles pour défendre les droits de l'homme, la dignité de la femme et ses droits, et pour dénoncer les horreurs perpétrées par tous les groupes fondamentalistes agissant dans leur pays.

Mareena est née et a été élevée dans l'univers de RAWA. Dès 15 ans, elle travaille pour le journal de l'association; à 16 ans, elle devient membre à part entière. Aujourd'hui, elle lui consacre la majeure partie de son temps et de son énergie. Elle souhaiterait faire des études de médecine, mais leur coût et les 12 ans qu'il lui faudrait sacrifier l'ont découragée. Elle va donc se réorienter vers des études de sciences politiques, qui l'aideront pour agir dans le cadre de RAWA.

Son enfance la prédestinait à devenir une militante de l'association. Emprisonnée avec sa mère alors qu'elle avait à peine un mois, elle restera entre des murs jusqu'à trois ans et demi. Son père, condamné pour 5 ans, a déjà fui l'Afghanistan, après s'être évadé de prison. Sa mère apprend alors à Mareena les capitales du monde entier et des chansons patriotiques. Quand cette gamine de 2 ans chante dans la cour de la prison, les gardiens la forcent à s'arrêter, car elle fait pleurer les hommes emprisonnés de l'autre coté du mur. Lorsqu'un homme vendant des gâteaux lui demande ce qu'elle veut, elle répond, imperturbable: "Freedom". Mais Mareena est aussi née avec la guerre qui mine son pays depuis plus de 25 ans. En 1988, elle fuit avec sa mère au Pakistan, dans un village de réfugiés afghans, près de Peshawar.

C'est parce qu'elle parle bien 4 langues (urdu, farsi, anglais et un peu de pashtou) que Mareena s'efforce de faire connaître son association au monde entier. Elle nous expose la situation de son pays avec une patience admirable. "Je ne comprends pas pourquoi la France soutient Massoud, il n'est ni pire, ni meilleur que les Talibans. Le taux de suicide n'a jamais été aussi haut que lors de son gouvernement. Tous ces gens ne cherchent que le pouvoir, et sont incapables de s'entendre. Les Talibans sont ceux qu'il faut combattre en ce moment, mais seulement parce qu'ils sont à la tête du pays. Si les ethnies qui les combattent dans le nord viennent à gagner, ils seront tout aussi mauvais que leurs prédécesseurs. Les conflits entre ethnies se règlent d'un côté comme de l'autre avec des barbaries." Elle nous explique comment un groupe a coupé les seins de toutes les femmes appartenant à un autre groupe, et comment celui-ci, pour se venger, a enfermé 100 personnes dans un container et les a laissé mourir au soleil.

RAWA ne veut pas lutter contre une personne ou un groupe particulier, mais contre le mode de pensée archaïque qu'est le fondamentalisme. Mareena sacrifie à cette lutte ses études, sa sécurité, ses amis. Elle utilise une kyrielle de faux noms, déménage tous les 5 ou 6 mois, change constamment d'apparence, utilise des lunettes de soleil, ne se déplace jamais seule le soir. Elle se sert souvent de l'ambulance de RAWA pour éviter les contrôles de police. Notre première rencontre durant plus longtemps que prévu, elle a dû appeler sa mère pour la rassurer. Habituellement, elle ne reste pas plus d'une heure avec les étrangers la première fois.

Elle risque même sa vie pour aider des journalistes à enquêter en Afghanistan. Cette année, elle a accompagné une Française, Stéphanie Carron, qui voulait réaliser un documentaire, et lui a fait passer la frontière clandestinement. Elle la faisait passer pour sourde muette et lui interdisait surtout de retirer sa burka, voile qui recouvre intégralement les femmes Afghanes, avec une petite grille de tissu en face des yeux. Pour brouiller les pistes, elles changeaient régulièrement de résidence et d'accompagnateur masculin - plus facile à suivre que des femmes en burka. Tout ça pour que la communauté internationale ainsi que ses citoyens réagissent devant cette tragédie oubliée.

Mareena s'est indignée des cris et des larmes du monde entier lors de la destruction des buddhas géants. "A côté de ça, personne ne parlait de toute la souffrance humaine perpétrée par les Talibans! Les familles décimées, les femmes veuves réduites à la mendicité et à la prostitution, celles qui sont lapidées en public sous prétexte d'adultère, dans le stade de foot transformé en arène d'exécution, les jeunes filles violées". Elle ne comprend pas non plus que les journalistes occidentaux se focalisent sur le port de la burka, un détail face à ces atrocités.

"Tant que des pays étrangers, comme le Pakistan, soutiendront les Talibans ou leurs adversaires, qui se retournent contre leur propre population pour se mettre à leur service, la situation ne pourra pas s'améliorer." Les Etats-Unis sont aussi en cause. La CIA est soupçonnée d'avoir armé et financé les mouvements fondamentalistes, les groupes jihadis, pour lutter au départ contre les Soviétiques, et à plus long terme pour pouvoir manipuler le gouvernement d'un pays aussi stratégique et riche en ressources que l'Afghanistan. Mais ils sont surtout soupçonnés aujourd'hui d'avoir formé les Talibans. "Les Etats-Unis ont enfanté un monstre qui a fini par devenir incontrôlable, un Frankenstein". Tous les Afghans et les Pakistanais qui ont voulu nous exposer ces enjeux nous l'ont confirmé.

RAWA compte beaucoup sur la prise de conscience de l'opinion publique internationale et des gouvernements étrangers. Pour nous convaincre, Mareena, jamais en panne d'arguments, prend tout le temps nécessaire pour que nous devenions des relais efficaces de l'action de RAWA. Inutile de dire qu'elle a bien rempli sa mission de sensibilisation. Mareena, un petit soldat? Oui, dans le sens elle s'est engagée dans une véritable guerre, au service d'une association qui lui demande beaucoup d'abnégation. Les membres de RAWA se doivent de s'effacer devant les intérêts du groupe et de ne pas revendiquer leur mérite personnel. Mais un soldat intelligent... Elle n'hésite pas à critiquer les prises de position qui la gênent, comme la dénomination "féministe" de RAWA. Loin d'agir comme un automate, son discours est empreint de maturité et de réflexion personnelle. Sa culture générale et sa connaissance du monde, impressionantes, lui permettent de garder le recul nécessaire sur son action.

Mareena reste aussi une jeune fille de 21 ans - on l'oublierait presque - pleine d'humour, prise parfois de fous rires incontrôlables, et d'une franchise étonnante. "Vous voulez bien arrêter vos questions? Je suis fatiguée et j'aimerais manger." Le soir, après nous avoir offert à dîner, elle nous chante une berçeuse en urdu. Elle aime s'occuper de ses hôtes de passage: un journaliste britannique qu'elle avait accompagnée pendant plusieurs jours lui avait dit en partant," Merci Grand-mère de t'être si bien occupée de moi." Bien qu'elle semble parfois réciter avec calme une leçon apprise par coeur et inlassablement répétée, elle n'en reste pas moins très humaine, pleine de sensibilité lors de nos rencontres avec des enfants orphelins ou des veuves.

Certes, il lui arrive de se décourager. Elle est épuisée de lutter contre un mur, elle est affligée quand une femme quitte l'association parce que son mari la force ou parce qu'elle est fatiguée de se battre. Elle ne croit pas en un soulèvement massif des Afghans contre les Talibans car ils n'en peuvent plus de cette guerre qui dure depuis 25 ans. Surtout, elle sait qu'elle ne connaîtra peut-être pas la démocratie, ni même ses enfants. Mais ces instants d'hésitation sont émotionnels, comme elle le dit, et sa raison reprend vite le dessus.

La voix douce de Mareena, son visage un peu enfantin, son sourire gracieux, son apparence fragile contrastent avec la dureté de ses paroles et une détermination qui semble inépuisable. Cette force, elle la puise dans la conviction que les choses progressent, petit à petit. Les petites réussites de l'association: une nouvelle membre, un nouvel étranger convaincu et ambassadeur de la cause afghane, une femme alphabétisée, des parents qui acceptent que leur enfant étudie deux heures par jour avant d'aller travailler... sont autant de pierres à l'édifice, qui nourissent quotidiennement l'espoir de Mareena.

Aurélie, Isa et Chacha.

Les photos sont extraites des revues ditribuées par RAWA, nous nous devions de protéger l'anonymat de Mareena, et n'avons donc pas publié de photos la représentant.

 



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